Plongée Profonde et Sciences Participatives
Les sciences participatives sont dans l’air du temps. Elles permettent de récolter un grand nombre de données, observations et éventuellement prélèvements, par des personnes qui ne sont officiellement ni des chercheurs, ni des scientifiques. Ces informations seront ensuite analysées puis traitées par un groupe (parfois pluri disciplinaire) de scientifiques afin de mieux comprendre le sujet traité. C’est ce qui passe dans un grand nombre de domaines de recherche et le milieu marin en fait partie.
Retrouvez toutes les photos de l’article sur l’album : Plongée Profonde – Un monde inconnue.
Les biotopes des récifs coralliens et des fonds lagonaires, entre la surface et 30-35 m de profondeur, sont maintenant à peu près bien connus, encore qu’il en existe sûrement encore d’autres complètement méconnus, ces milieux étant si complexes et variant beaucoup d’une région à une province biogéographique à une autre, que ce soit dans l’Indo-Pacifique ou la Caraïbe, et sur des côtes Ouest Africaines. Depuis longtemps, ils font l’objet d’études et de suivi scientifique. Peu profonds et faciles d’accès, les données, comptages et mesures nous donnent une vision assez exacte de l’évolution des récifs coralliens du monde entier. Hélas, les informations sont formelles, ces récifs se dégradent plus ou moins fortement sur toute la planète, sous l’action de paramètres climatiques et anthropiques.
Les fonds bathyaux profonds (de 300 à 3.500 m de profondeur) et abyssaux (encore plus profonds et ce jusqu’à 10.923 m dans la fosse Challenger des Mariannes) font eux aussi l’objet de beaucoup d’intérêts, tant sur le plan industriel (nodules polymétalliques renfermant des terres rares)que pour la recherche de nouveaux organismes vivants.
De nombreuses missions d’exploration sont réalisées depuis plusieurs décennies dans les récifs coralliens du Monde entier. Les découvertes sont toujours aussi nombreuses et passionnantes.
Cependant il existe encore des zones peu étudiées et donc peu connue mais qui commence à susciter de l’intérêt pour diverses raisons. Ces endroits mystérieux sont nommés « zone crépusculaire » ou « twilight zone » en anglais et zone mésophotique. Cette dernière est située entre 50 et 150 m sous les tropiques et la zone crépusculaire entre environ 200 et 600 à 800 m, là où la lumière disparait. Ces zones sont définies par la faible quantité de lumière solaire qui parvient à ces profondeurs. En dessous de cette zone, l’obscurité devient presque totale.Ce milieu sous-marin, situé entre les zones bien connues des récifs et les fonds bathyaux (bien moins connus que les récifs sensu stricto, mais beaucoup étudiés depuis une trentaine d’années) semble souffrir d’un important manque de connaissances et de données essentielles à sa compréhension. Les scientifiques suivent l‘évolution des récifs coralliens de faibles profondeurs depuis des décennies maintenant, ce depuis l’apparition des scaphandres autonomes à l’air comprimée, c’est-à-dire 1940 avec Hans HASSE, puis Jacques-Yves COUSTEAU, puis surtout après dans les années 1955-60. Mais le manque de données issues des récifs situés à des plus grandes profondeurs nous empêche d’avoir une vision claire et complète de la structure et de l’évolution de ces écosystèmes particuliers. Face à ce manque de connaissances, il est grand temps de faire un « état des lieux » de ces zones mésophotiques.
Un panorama de 180 ° composé de 10 photos. A 97 m de profondeur, au beau milieu de la zone crépusculaire, le bord du 3 ème tombant est parsemé de petites grottes ou cavités. Au dessus, un champ de corail de type antipathaire coiffe le bord du tombant.
Pourquoi en 2018 cette carence de connaissance de la zone mésophotique persiste-t-elle ?
Ces plongées sont principalement motivées par deux choses : la soif de découverte et la réponse à la question « Que se passe t‘il en dessous des 60 mètres de profondeur ?
Une photo de mon binôme Olivier Konieczny en contre jour réalisé à 95 m de profondeur lors d’une descente dans la zone crépusculaire.
La raison principale à cette méconnaissance est la difficulté d’accès de ces zones. Les sous-marins qui explorent les zones abyssales ne peuvent pas s’approcher des récifs ; seuls de petits sous-marins de recherche, très mobiles (comme « Géo[1] »ou « Jago[2] » des chercheurs allemands ayant plongé en Mer Rouge et aux Comores (et Mayotte) peuvent y descendre. Les plongeurs subaquatiques autonomes sont quant à eux limités en profondeur et en temps d’immersion. Pour plonger à ces profondeurs, les contraintes imposées aux plongeurs à l’air seule ou aux mélanges sont énormes. A ce stade, on ne parle plus de « plongée loisir », mais de « plongée technique ». Une formation spécialisée et une grande expérience sont indispensables pour envisager de plonger en-dessous des 60 mètres de profondeur. L’utilisation d’un mélange de plusieurs gaz adapté aux différentes profondeurs, ainsi que la maîtrise d’un recycleur à circuit fermé sont impératifs. L’investissement humain, temporel et matériel, est très lourd, tout comme l’engagement. Plonger dans un milieu très hostile à la physiologie de l’homme, imposer à son propre corps des pressions de plus de 10 bars (= 1 mégapascal ou MPa ou encore 106 Pa, soit en gros 10 kg/cm2de peau) et de longues heures de décompression repoussent un grand nombre de plongeurs subaquatiques. Mais pas tous !!!!!
[1] Sous-marin jaune du nom de « Géo », car financé pro parte par la grande revue allemande de découvertes de la Planète. L’industrie allemande, comme celle japonaise, participe beaucoup, gracieusement, à la réalisation d’appareils scientifiques ou d’exploration dans les études des océanographes universitaires.
[2] « Jago » veut dire « requin » en langue de la Mer Rouge.
Depuis le début de l’année 2017, Olivier Konieczny et moi-même plongeons sur la pente externe du récif corallien de Mayotte entre 70 et 120 mètres quasiment tous les week ends, ou du moins dès que nous en avons l’occasion. Ces plongées sont principalement motivées par deux choses : la soif de découverte et la réponse à la question:
« Que se passe t‘il en dessous des 60 mètres de profondeur ? »
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